Procès des violences policières : 3 questions à Geneviève Legay

Les 11 et 12 janvier s’est tenu à Lyon le procès du commissaire Souchi qui avait ordonné la charge policière ayant très grièvement blessé Geneviève Legay, le 23 mars 2019 à Nice, lors d’une manifestation de Gilets Jaunes.

Le délibéré sera rendu le 8 mars.

Geneviève Legay répond à nos questions

1- Comment vas-tu depuis l’agression policière subie ? Quelles étaient tes attentes en matière de «réparation» et sur le plan politique ? 


On va dire que je vais bien au regard du grave traumatisme crânien que j’ai eu. Les docteur·es m’ont dit plusieurs fois qu’iels ne comprenaient pas comment j’étais encore en vie.
Donc, il me reste que j’ai zéro odorat définitivement d’après l’ORL.
Je n’ai que les 5 goûts de la bouche, les autres dépendant de l’odorat ! L’agression policière a accéléré ma vieillesse et a donc aggravé ma DMLA. Je suis malvoyante et au niveau de l’oreille droite, j’ai perdu 35% d’audition, je suis appareillée depuis 2021.
Les docteur·es ORL, ophtalmo, etc… ont demandé de monter un dossier MDPH ( Maison départementale pour handicapé·es ).
45 séances de kiné vestibulaire ne m’ont pas permis de retrouver 100 % de l’équilibre.
Je ne suis qu’à 85 % et je titube comme si j’étais ivre.
Côté psychologique, ces 5 ans ont été difficiles car beaucoup de personnes, malgré tout bienveillantes, se pressaient autour de moi. J’ai eu des difficultés à accepter d’être reconnue comme une personne ayant fait quelque chose d’extraordinaire, alors que, comme bon nombre d’entre nous, nous manifestons depuis de nombreuses années, tout simplement.
C’est juste tombé sur moi…
Il n’y a pas de réparation possible. Pendant ces presque 5 ans les docteur·es ont fait le maximum bien sûr. Si j’obtiens 4 sous, je les prendrai mais ce n’est pas ça qui me redonnera la santé.
Je souhaite que le verdict du 8 mars soit positif pour la justice sociale et qu’il pourra faire jurisprudence pour toutes les familles de victimes et les victimes de violences policières s’iels font un procès. C’était mon souhait…

2- Comment as-tu vécu ce procès, dépaysé à Lyon ?

Tout d’abord, je tiens à remercier chaleureusement Attac, mes avocat·es, toutes les personnes, les organisations, qui m’ont soutenue pendant ces presque 5 ans ainsi que pendant les deux jours du procès. Sans ce soutien indéfectible, aurais-je tenu dans la durée ? J’ai abordé ce procès avec détermination et calme car j’étais sûre de mon bon droit.
Toutefois, aujourd’hui dans cette société anxiogène, tout est permis du côté du plus fort.
Je voulais que justice soit faite.
Le réquisitoire du procureur a été presque parfait concernant les faits reprochés à Rabah Souchi.
La peine demandée, 6 mois de prison avec sursis, a été décevante. Elle n’a pas été en corrélation avec les faits avérés et que le procureur a relevés et dénoncés. Il a quand même défendu l’institution ! Tout comme l’a fait par ailleurs l’avocat de Souchi qui n’a cessé de stigmatiser le policier d’en bas… »guerre des classes »….
Malgré tout, nous avons quand même pu amener un commissaire divisionnaire arrogant, méprisant, suffisant, à la barre d’un tribunal pour être jugé. C’est déjà une victoire. C’est historique. Il a dû s’expliquer devant la présidente, les juges assesseures et le procureur pour sa mauvaise gestion de la situation ce jour-là alors qu’il disposait de 200 policier·es et gendarmes et que nous, nous étions quelques dizaines de pacifistes.
Il a déclaré à plusieurs reprises, être une personne « humaine » et « féministe ». Alors, dans la matinée de vendredi, lors d’une pause, je lui ai dit que je lui pardonnais mais je lui ai demandé de quitter la police, de se recycler et de nous prouver son humanité.
Le verdict sera rendu le 8 mars, j’y vois « un bon augure », puisque c’est « la journée internationale des droits des femmes » et je souhaite ardemment que le tribunal augmente sa peine.
J’ai remarqué qu’il n’avait aucun remord et qu’il n’a pas fait d’excuse.…

3- Quelles sont les suites que tu souhaites, que tu envisages, que tu imagines ?

Je suis partiellement déçue, avec un goût de non achèvement…
J’avais demandé à mes avocat·es de pouvoir mettre en accusation toute la chaîne de commandement c’est-à-dire, le directeur de la sécurité départementale, le préfet, le procureur, Castaner et Macron. Concernant Macron, mes avocat·es m’ont dit que ce n’était pas possible en tant que président, ainsi que Castaner qui était ministre à l’époque. Certes, le préfet a été muté dans la semaine après l’agression policière subie et le procureur, 4 mois après. Il a fini par avouer qu’il avait menti pour protéger Macron !
 » L’affaire Legay » est donc une affaire d’État, émaillée de mensonges de toutes parts jusqu’au plus haut niveau de l’État, par des pressions, des rebondissements, des révélations (comme celles de Ludovic F,  lanceur d’alerte, suspendu pendant 2 ans sans émolument et de plus, passé en procès comme un délinquant !),…

Peut-être, y aura-t-il moyen dans l’avenir de continuer ce combat juridique car lors du procès on a entrevue d’autres exactions pas très claires notamment concernant le début de l’enquête administrative sur le 23 mars 2019 dont s’est autosaisie , la compagne de Souchi , Hélène Pédoya !
Certes Rabah Souchi a fait une sorte de « zèle » ce jour-là, mais il avait quand même reçu des ordres.
Il a été décoré, ainsi que Pédoya, quatre mois après par Castaner pour « mérite » face aux gilets jaunes!
Pour moi, c’est une justice à deux vitesses.
Je remarque que les policier·es, les commissaires se permettent de « tabasser » les manifestants et les manifestantes, de tuer les jeunes des quartiers populaires ( en remettant , de fait,  la peine de mort en place, sans procès, alors, qu’elle a été abolie en France en 1981 !). C’est ce que la loi Cazeneuve, votée en février 2017, rend possible ! 

Ce gouvernement, tout comme les précédents depuis plusieurs années, suggère  implicitement l’utilisation de la violence physique,  par ses propos violents,  la gestion élitiste des affaires. Il envoie aussi des messages brutaux, injustes, islamophobes, qui protègent les riches et les puissant·es, au détriment des petits, des plus précaires, des plus pauvres, des migrant·es … Il incite donc,  par ses messages subliminaux, les policier·es qui les reçoivent à exercer des violences. Peut-être n’en sont iels pas conscient·es ! 

Restons debout , continuons la lutte et comme diraient les Gilets Jaunes :

ON   LÂCHE   RIEN !